Au cours de mes recherches sur la Marche vers l’Ouest au Brésil, je tombe sur l’histoire de João Kramura : fils de pionniers du Mato Grosso, il est enlevé à l’âge de dix ans par les redoutables indiens Kayapó. Huit ans plus tard, après un premier contact avec la tribu, les indigénistes Villas-Bôas le rendent à sa famille natale. Ne s’adaptant plus à la société dont il est issu, il décide finalement de rejoindre sa tribu adoptive.
Depuis 2005, la saga de João ne me quitte plus. À présent, j’invite mon ami Thini-á à traverser le bassin des fleuves Araguaia et Xingu, au cœur du Brésil, dans les pas de ce passeur emblématique. À quinze ans, Thini-á a quitté sa tribu Fulni-ô dans le Nordeste brésilien, bouleversé par les violences pratiquées contre son peuple. Depuis 30 ans, il vit dans les plus grandes villes brésiliennes, s’obstinant à transmettre la culture Fulni-ô à un public urbain.
J’espère qu’il puisse m’orienter dans ma quête au sein d’une culture qui m’est étrangère. Ensemble, nous partons à la rencontre des témoins qui étaient proches de João afin de retracer sa trajectoire inscrite de bout en bout dans la conquête de l’ouest brésilien. Devant la caméra, Thini-á cherche à percer le mystère entourant la métamorphose de João : d’un monde à l’autre, quel chemin a-t-il parcouru ? Comment a-t-il franchi le pas ? Pourquoi a-t-il choisi en définitive de rejoindre sa tribu adoptive ? En cours de route, à mesure que la trajectoire de João se précise, Thini-á semble de plus en plus touché par son histoire. Il me fait part de ses questionnements sur une décision qui peut changer sa vie. Progressivement, le film nous projette dans le trouble identitaire, à la frontière de deux mondes, et pose un regard contemporain sur les rapports entre la société brésilienne et les minorités indigènes.
Anne et Marcel Baudot, au nom de l’Histoire
Laurent Sylvestre
52' - 2024